HISTOIRE : SHAKA ZULU
Chaka (1787 - 1828), ou Shaka, est le fondateur de l’empire
Zoulou.
L’enfance
Chaka serait issu d’une union illégitime entre Nandi, princesse
Langeni, et Senza Ngakona, chef du clan des Zoulous (une fraction du peuple
nguni, issus des Bantous qui peuplèrent l’Afrique du Sud du XIIIe au XVIIIe
siècle). D’après la légende, il aurait été considéré comme un bâtard, rejeté et
humilié par son père, régulièrement maltraité par ses camarades [1]. Ces
expériences l’endurciront et marqueront sa personnalité d’une soif de
vengeance. Mazisi Kunene, qui, lui, s’est inspiré des traditions zouloues,
explique que la mère de Chaka, Nandi, était une princesse autoritaire. Elle
s’est fâchée avec son mari et avec ses co-épouses, ce pourquoi elle a été
répudiée. Cause de guerre entre les Abasema Langeni, son peuple, et la tribu
zouloue, elle a dû fuir chez les Qwabe, dont elle aurait épousé l’un des princes.
Ainsi, Mazisi Kunene ne réfute pas la difficile enfance de Chaka, mais la
nuance.
Chaka ne s’entend pas avec les membres de la famille royale
qwabe (contre lesquels il devra guerroyer plus tard). Il part chez les
Bathwetwa et devient membre de l’armée de Dingiswayo, le souverain des
Bathwetwa. Il devient rapidement le guerrier le plus remarquable de l’armée de
Dingiswayo. Doué d’une force physique et d’une endurance prodigieuses, il
excelle au combat. Il est charismatique et se révèle être un fin stratège. Sa
réputation s’étend. Il devient bientôt le porte-parole et le bras droit de
Dingiswayo.
L’ascension
À la mort de son père, Sigujana, l’un des demi-frères de Chaka,
assure la succession conformément à la volonté de leur père, et devient le chef
du clan zoulou. Dingiswayo appuie Chaka pour qu’il prenne le pouvoir. Dans la
bataille, Sigujana trouve la mort.
Chaka règne sur son peuple et commence à lui appliquer ses idées
révolutionnaires pour créer une puissante armée. Il continue à combattre pour
Dingiswayo, qui a quelques démêlés avec un puissant voisin aux visées
impérialistes, Zwide, chef de la tribu des Ngwane. En quelques années, celui-ci
parvient à ses fins : il réussit à faire prisonnier et à assassiner
Dingiswayo, grâce à l’appui de ses espions. À la suite de cet événement, les
régiments bathwetwas élisent Chaka au titre de chef souverain.
Le Royaume zoulou
Après la mort de Dingiswayo, Chaka défait Zwide lors de deux
batailles mémorables où il utilise son sens aigu de la stratégie. Ensuite, s’ouvre
le temps des conquêtes. Il devient le chef d’une grande partie des tribus
ngunies du Natal. Il les assimile à sa tribu, et leur fait porter son nom,
celui de Zoulou. Pour ce faire, il remodèle son peuple en une armée de métier
constituant le pivot de la société, ce qui en bouleverse les structures
traditionnelles. Il astreint au service militaire tous ses sujets, crée un
corps d’amazones, impose la langue zoulou à ses voisins. Il réorganise l’armée
zouloue, qui devient permanente. Il supprime l’initiation des jeunes hommes
mais conserve la division en classe d’âges pour former des régiments. Il les
stimule par des concours d’épreuves : aux vainqueurs sont offertes les
plus belles filles nubiles, initiées à la lutte et au combat. Il multiplie les exercices
physiques et accroît la part de nourriture carnée de ses troupes.
Il révolutionne ensuite la stratégie militaire de son armée
(tâche initiée avec sa propre tribu) : il opte pour la stratégie d’attaque
"en tête de buffle" : les troupes sont divisées en quatre corps,
deux ailes forment les cornes de buffle et deux corps centraux placés l’un
derrière l’autre forment le "crâne". Opérant en mouvement tournant,
l’une des ailes attaque, tandis que l’autre se cache et n’intervient que
lorsque le combat est engagé. Il mène une guerre totale et utilise la tactique
de la terre brûlée grâce à des régiments spéciaux, les impi ebumbu (régiments
rouges).
L’armée de Chaka à son apogée comptera plus de 100 000 hommes,
auxquels il faut ajouter environ 500 000 hommes des tribus voisines. Chaka
oriente l’expansion des Zoulous dans deux grandes directions : vers
l’ouest et vers le sud contre les Tembou, Pondo et Xhosa. Ils sèment la terreur
chez les Nguni, les Swazi, les Sotho et les Xhosa. En dix ans, Chaka se taille
un empire dans le Natal.
Il fait pratiquer un eugénisme systématique : les vieillards
des peuples vaincus sont supprimés, les femmes et les jeunes incorporés. Les
jeunes ont la vie sauve à condition de s’enrôler dans les impi, d’abandonner
leur nom et leur langue, et de devenir de véritables Zoulous.
En 1820, quatre ans après le début de sa première campagne,
Chaka avait conquis un territoire plus vaste que la France.
A partir de 1822, Chaka déploie ses armées à l’est du
Drakensberg. Face à lui, de nombreuses collectivités choisissent de fuir,
attaquant au passage leurs voisins, ce qui ajoute à la confusions. La carte
ethnique de la région est bouleversée (ce processus est nommé Mfecane,
« mouvement tumultueux de populations). La tradition tend à rendre Chaka
coupable du Mfecane. En vérité, ce mouvement de migration avait déjà commencé
avant sa prise de pouvoir, avec, entre autres, les combats entre Zwide et
Matiwane.
Trois des généraux de Chaka le quittent pour conquérir l’Afrique
australe en appliquant ses méthodes brutales : Moselekatse (ou Mzilikazi),
après sa rupture avec Chaka en 1821, se dirige vers le sud-ouest avec les
Ndébélé, disperse les Sotho sur les bords du Vaal et s’installe entre le Vaal
et l’Orange jusqu’en 1836 ; Manoukosi (ou Sochangane) soumet les Tonga au
Mozambique actuel (1830) ; Zouangendaba migre trois mille kilomètres vers
le nord.
La chute
Le déclin de Chaka commencera avec sa tendance de plus en plus
affirmée à la tyrannie, qui lui valut l’opposition de son propre peuple. À la
mort de sa mère Nandi en 1827, Chaka fit exécuter plus de 7 000 personnes.
Pendant un an, il fut interdit aux gens mariés de vivre ensemble et à tous de
boire du lait. Notons néanmoins que ce rite de deuil extrême faisait
exceptionnellement partie de la tradition zouloue.
Les circonstances de sa mort, survenue en 1828, sont
floues : Chaka serait mort poignardé par ses demi-frères Dingane et
Mhlangane, victime d’un complot orchestré par ses frères et sa tante Mkabayi,
avec l’aide d’un de ses hommes de confiance, Mbopa.
Chaka fut un chef charismatique, un stratège et un organisateur
de génie, fondateur d’une nation. Et comme Napoléon, à qui il est parfois
comparé, il fut un conquérant et un despote. Son action influença la vie et le
destin de régions entières de l’Afrique australe.
Chaka a été un symbole important dans la lutte idéologique entre
les Noirs et les Blancs en Afrique du Sud. Les Blancs l’ont beaucoup diabolisé,
le présentant comme un tyran barbare. Pour les Zoulous, il est un personnage
complexe, semi-légendaire, un fabuleux guerrier auquel on peut faire remonter
la fierté de la nation.
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