CONTE : LEUK DÉCOUVRE L’HOMME (L.S.Senghor; Birago Diop)

Revenu de la mer, Leuk se repose pendant quelques
jours. Ce long voyage l’a fatigué.
Mais il ne restera pas longtemps au lit, car maintenant,
son grand désir est de connaître l’homme. Dès qu’il sent
3 Bande de terrain, plate ou faiblement inclinée, couverte de sable ou de graviers
bordant la mer ou un cours d’eau.


que ses forces sont revenues, il prépare un nouveau
voyage qui doit le conduire auprès de Nit-l’homme. Ce
dernier habite loin des animaux, hors de la brousse et de
la forêt, en des endroits découverts.
Leuk se rappelle les paroles de Diargogne-l’araignée qui
lui a dit :
« Tu feras la connaissance de l’homme, c’est un animal
dangereux. »
Il part un beau matin. Chemin faisant, il observe les
changements d’aspect du sol. Il découvre de vastes
champs entourés de clôtures et de haies vives.
Le premier homme qu’il aperçoit est un berger dont le
troupeau erre ça et là. Dès qu’il le voit, il s’arrête pour
l’observer à distance. L’homme a un long bâton en travers
des épaules. Il se déplace de temps en temps et il chante
sans cesse. Parfois, il crie en direction des animaux. Alors
ces derniers se rapprochent les uns des autres. Diargogne-
l’araignée a raison. Cet animal doit être très dangereux
puisqu’à sa simple voix, il commande à des bêtes plus
grosses que lui.
Leuk veut mieux connaître l’homme, le voir de plus
près, savoir comment il vit, parle, s’occupe de sa famille.
Pour cela, il lui faut pousser plus loin jusqu’à cette
agglomération qui se dessine là-bas.
 Les serviteurs de l’homme
A mesure que Leuk avance, la silhouette des cases
pointues qui forment l’agglomération devient plus nette et
plus haute. On dirait que le village tout entier accourt au
devant de lui. De ce village montent différents bruits : des
appels sonores, des éclats de rires, des coups de pilons4, de
4 Instrument terminé par une tête massive et arrondie servant à broyer.


marteaux, de battoirs5. Leuk voit des hommes et des
femmes qui vont et viennent, des enfants qui jouent,
tombent et se relèvent, gesticulent comme des diablotins.
En s’approchant, il arrive auprès du monticule où le
village vient déposer les ordures. Sur ce monticule, il
remarque un grand nombre d’animaux domestiques :
poules, pintades, canards, chiens, chats, etc... Les uns
grattent et picorent, les autres fouillent avec leur museau
ou se roulent dans la poussière. Lorsqu’ils voient Leuk,
tous se dressent étonnés, l’œil rond et le cou droit.
« Bonjour mes frères », dit gentiment l’hôte de la
brousse. Alors les poules se mettent à caqueter, les
canards à trompéter, les chiens à hurler, les moutons et
les chèvres à bêler d’épouvante. Leuk mécontent de cet
accueil, s’éloigne aussi vite qu’il peut, s’enfonce dans la
cour de la première maison venue. Dans cette cour, il
trouve deux gamins qui jouent avec de la terre et des
cailloux. Les gamins n’ont jamais vu de Lièvre, cependant
ils n’ont pas peur. Leuk leur parait gentil, mignon.
« Approche donc, tu es vraiment sympathique. Laisse-
nous te caresser un peu », dit un des enfants.
Leuk s’approche volontiers et les enfants promènent
leurs petites mains sur son poil lisse.
« On dirait un jeune agneau », fait l’un.

« On dirait plutôt un chaton », fait l’autre.

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