CONTE: LEUK DÉCOUVRE LA MER (L.S.Senghor; B. Diop)
Beaucoup
d’animaux ont entendu parler de la mer.
Mais
bien peu l’ont vue.
Leuk, après avoir découvert
la forêt, se propose de faire
un long
voyage pour connaître aussi le royaume des eaux.
Il
pense qu’au retour de ce voyage, il pourra réunir tous
les
animaux pour raconter tout ce qu’il a vu et avoir plus
de
considération de leur part. Mais il ignore la route à
suivre
pour arriver à la mer sans s’égarer. Il va donc
demander
conseil à sœur M’Bélar-l’hirondelle qui a
parcouru
la terre entière en tous sens.
M’Bélar-l’hirondelle lui dit
:
« Pour
arriver à la mer sans te perdre, il faut que tu
saches
t’orienter. Tu sais que le point de la terre où le
soleil
se lève s’appelle l’Est, le point où il se couche
l’Ouest.
Ces deux points suffisent pour le voyage que tu
veux
faire. Car la mer se trouve à l’Ouest du pays que
nous
habitons. Donc tu marcheras toujours droit vers
l’Ouest.
Le soleil sera ton meilleur guide.
– Et
que faire quand il n’y aura pas de soleil ?
–
Puisque tu dois partir au mois de mars, répond
M’Bélar-l’hirondelle, le vent d’Est te
guidera dans la forêt.
Ce
vent, chaud et sec, souffle en effet de l’Est vers l’Ouest.
Ainsi
pourras-tu suivre sa marche. Quant au soleil, en
cette
saison, il n’est jamais caché. »
Leuk est très intelligent,
mais il ignorait tout cela. Il
pense
que la science de M’Bélar-l’hirondelle est vaste.
« Si tu
voyages la nuit, ajoute celle-ci, tu auras, pour
compagnes
et pour guides, la lune et les étoiles. Dès ce
soir,
je te ferai remarquer certaines étoiles qui se lèvent
toujours
au Nord et d’autres qu’on aperçoit toujours à
l’Est.
–
Merci, ma sœur, de vos précieux renseignements, dit
Leuk, je saurai m’en servir.
– Je te
trouverai peut-être là-bas, répond M’Bélar-
l’hirondelle. Car, bientôt, ce sera
pour nous la saison
d’émigrer
vers les pays frais que baigne la mer immense. »
Au bout
d’un voyage long et pénible à travers savanes,
forêts
et clairières, plaines, collines et ravins, Leuk arrive
devant
la mer immense.
Leuk se demande quelle est
cette chose mugissante qui
a l’air
de lui barrer la route. Mais il continue d’avancer,
poussé
par la curiosité.
Bientôt
la terre finit. Une étendue plate et bleue la
remplace.
Cette étendue se confond, à l’horizon, avec le
bleu du
ciel.
« Voilà
la mer, se dit Leuk. Je suis arrivé au bout de
mon
voyage. »
Il
respire de soulagement. Il plonge son regard dans l’immensité qui, devant lui,
fuit de toutes parts. Toute la
masse
de ce grand désert liquide bouge. La mer semble
vivre
et respirer par saccades.
Leuk réfléchit un moment et
dit :
« Il
faut que j’apporte à tous les animaux la preuve que
j’ai vu
la mer. Sinon personne ne me croira quand je le
dirai.
»
Sur la
grève3, il y a des coquillages, gros et blancs. Leuk
en
ramasse quelques-uns. Il veut ramener au pays deux
ou
trois crabes vivants, une douzaine de moules. Mais les
crabes
fuient devant lui avec des airs apeurés et
s’enfoncent
dans les flots. Quant aux moules, elles
disparaissent
brusquement dans le sable mou de la grève.
Avant
de quitter la mer, Leuk veut savoir quel goût a
son
eau. Il mouille le bout d’une de ses pattes dans la
mousse
d’une vague qui vient d’arriver. Il y passe la
langue
:
« Aïe !
crie-t-il aussitôt, l’eau de la mer est donc si
amère,
si salée ! »
Et,
sans plus tarder, il repart pour le pays de ses
ancêtres,
emportant, dans sa hotte, le plus grand nombre
de
témoignages, pour prouver qu’il a vu la mer.
« Ils
seront étonnés, se dit-il avec fierté. Et ils me
croiront
plus intelligent encore que je ne suis ! »
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